Galerie d'art Louise-et-Reuben-Cohen

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Rewilding the Ruin | Semer les décombres

Rewilding the Ruin | Semer les décombres

(fr)

Je vois les plantes s'épanouir, vertes, bien nourries et silencieuses. Et j'entends le vent et tous les bruits des villes mortes, les vitres qui se brisent sur le trottoir quand leurs charnières sont rouillées, l'eau qui s'écoule des canalisations crevées et les milliers de portes qui claquent dans le vent. Parfois, les soirs de tempête, un objet en pierre qui était autrefois un être humain bascule de sa chaise de bureau et s'écrase avec fracas sur le parquet.¹

- Le mur invisible, Marlen Haushofer, 1963

 

Pour ma part, la contemplation de cette exposition s'amorce à l’intérieur de sa hutte. Une grande boîte en bois légèrement déplacée.  Une pièce à l’intérieur d’une pièce qui, selon l'angle sous lequel on la considère, peut être un refuge, un abri de jardin, une zone de surveillance, une cachette clandestine, et plus encore. Pour certain.es, il peut s'agir d'une curiosité et donc d'une invitation potentielle à y entrer, tandis que pour d'autres, elle peut susciter un sentiment de malaise et une envie instinctive de rester à l'écart. Cette hutte, tout comme les images qui l'entourent, est une projection : une projection dans les conséquences d'un avenir dystopique qui me semble de plus en plus possible. Un avenir qui, s'il doit exister, aura peut-être la chance d'être hanté et pris en charge par une entité à la main verte dont La Semeuse de Laura St. Pierre. La Semeuse est elle-même une projection, un spectre en perpétuel mouvement entre des gestes de soins visant la croissance future et des travaux monotones de la vie quotidienne et de la survie. Dans son isolement et son désespoir, elle doit trouver une nouvelle façon d'être (car nous pouvons supposer que son existence antérieure, ainsi que son contenant, n'étaient pas ce que nous connaissons d’elle aujourd'hui). Ses nouveaux voisins et ses connaissances sont les dalles de béton et les décombres d’une industrie passée, ainsi que leur main d'œuvre ectoplasme. Dans un acte conscient de réforme « contre tout ce qui voudrait miner et détruire »², La Semeuse se consacre à l'ensemencement des graines et au maintien de la vie, en assumant la responsabilité de l'entretien continu de ces semis. Elle maintient par itération, comme nous devons toustes parfois le faire, un semblant d'espoir dans un moment de grand désarroi. Sa présence, tout comme son absence, est fortement ressentie dans l'ensemble des espaces d'exposition, peut-être de manière plus évidente dans les photographies et les projections exposées où l'on distingue sa forme corporelle. Cependant, cette présence bienveillante d'un autre monde est ressentie au plus haut point lorsque le courage ou la curiosité nous pousse à nous asseoir sur sa chaise, celle qui se trouve aux confins de ce que j'ai choisi de croire être un abri de jardin.

Les recherches de St.Pierre à travers l'objectif de La Semeuse rappellent le roman de Marlen Haushofer, The Wall, paru en 1963, dans lequel une femme également anonyme, approchant de la quarantaine, se retrouve piégée derrière un mur de verre. Dans sa solitude et son isolement extrêmes, elle commence à écrire le récit de sa vie quotidienne, sans savoir s’il ne sera jamais lu par quelqu'un.e d'autre. Elle finit par accepter cette existence et s'apprivoise une nouvelle façon d'être dans le monde, qui consiste entre autres, à planter un jardin dans le plus pur acte d’espoir et d’abandon.

— Alisa Arsenault, commissaire

 

(en)

I see plants flourishing, green, well-fed and silent. And I hear the wind and all the noises from the dead cities; window-panes shattering on the pavement when their hinges have rusted through, the dripping of water from burst pipes and the banging of thousands of doors in the wind. Sometimes, on stormy nights, a stone object that was once a human being tips from its chair at a desk and crashes with a boom to the parquet floor. 

— Marlen Haushofer, The Wall, 1963

In my mind’s eye, the contemplation of this exhibition begins from the inside of a hut. A large wooden box, slightly out of place. A room within a room, which, depending on how you choose to look at it, is a refuge, a garden shed, a surveillance area, a clandestine hiding place, and so on. For some, it may exist as a curiosity and thus a potential invitation to enter, and for others it may ignite feelings of unease and the instinct to stay away. This hut, like the images that surround it, is a projection: a projection into the aftermath of what seems like an increasingly possible dystopian future. A future that, if it were to exist, may well be haunted and nurtured by a green-thumbed entity in the form of Laura St.Pierre’s The Sower. The Sower is herself a projection; a specter in continual flux between acts of care towards future growth and the monotonous labor of daily life and survival. Within this isolation and despair, she must find a new way to be (as we can assume that her prior existence, as well as its container, were not what we are now privy to). Her new neighbours and acquaintances are concrete slabs and the layers of rubble from past industry, as well as their phantom labour forces. In a conscious act of reform “against everything that would like to undermine and destroy,”² she devotes herself to sowing seeds and sustaining life, assuming responsibility for the ongoing upkeep of these seedlings. She maintains through iteration, as we must all do sometimes, a semblance of hope in an otherwise hopeless moment. The Sower’s presence, as well as her absence, is strongly felt throughout the exhibition, perhaps most evidently within the photographs and projections in which we can discern her bodily shape. However, this otherworldly caring presence is felt the most when courage or curiosity compels us to sit in her chair, the one that stands in the confines of what I choose to believe is a garden shed.

St.Pierre’s investigations through the lens of The Sower bring to mind Marlen Haushofer’s 1963 novel The Wall, in which an also nameless character, approaching mid-life, finds herself trapped behind a glass wall. In her extreme loneliness and isolation, she begins to write an account of her daily life, not knowing if it will ever be read by another person. She eventually comes to accept this existence and teaches herself a new way of being in the world, which involves, among other things, planting a garden in the purest act of hope and abandon.

— Alisa Arsenault, curator

 

 

Notes :
1.Traduction de Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon
2. Extrait d’une préface écrite par Doris Lessing, Le mur invisible, Marlen Haushofer, 1963 | Excerpt of a forward written by Doris Lessing, The Wall, Marlen Haushofer, 1963

Image : Laura St.Pierre, image tirée de la vidéo pour Preserve/Réserve, 2022, installation interactive, projection et vidéo interactive à 6 canaux