Découvrez comment la société influence le développement, l’expérience et les conséquences de la toxicomanie chez les femmes. Le webinaire « Femmes et toxicomanie : Mieux comprendre le rôle que joue la société » offert gratuitement par la Formation continue de l’Université de Moncton explore comment les visions stéréotypées de genres teintent toutes les expériences, y compris celles de la consommation et de la toxicomanie. La conférencière Sylvie Morin explique l’impact de la société sur le développement et les conséquences de la toxicomanie chez les femmes. Le webinaire vise également à aider les gens à mieux comprendre l’influence des normes sociales et des stéréotypes de genre sur la perception sociale de la toxicomanie chez les femmes.
Tout d’abord, Sylvie Morin a souligné l’importance d’utiliser une perspective intersectionnelle lors des interventions en toxicomanie auprès des femmes. « On ne peut pas simplement les percevoir comme un groupe homogène. Elles ont beaucoup d’expériences diverses et présentent aussi beaucoup d’identités qui vont interagir les unes avec les autres. Tout cela va donner des expériences différentes », a-t-elle précisé au préalable en suggérant de tenir compte des intersections entre les identités et de la façon dont cela influence la consommation.
Parmi les facteurs de risque, elle a relevé la prévalence d’un évènement déclencheur d’une grande souffrance ou de stress ou encore toutes les formes de violence. Le poids de l’apparence physique, ainsi que les rôles sociaux et la pression sociale jouent également des rôles déterminants dans la consommation. La conférencière a également abordé les conséquences de la colonisation et le traumatisme intergénérationnel des femmes autochtones ou bien la discrimination, les autostéréotypes négatifs et l’hypervigilance comme facteurs de risque importants pour les femmes de minorités sexuelles et de genres.
Une représentation sociale de la dépendance
Sylvie Morin a expliqué que la représentation sociale de la dépendance chez les femmes suit souvent deux modèles, soit ceux de la vilaine et de la victime. Cette perception sociale range les femmes dans les stéréotypes d’une mère indigne, d’une paresseuse amorale qui n’a pas la volonté de s’en sortir ou bien dans celui d’une femme leurrée dans la dépendance et forcée à consommer. Et dans les deux cas, ces perceptions erronées amalgament la toxicomanie avec le travail du sexe ou la promiscuité sexuelle. « Ce sont des visions très catégoriques qui ne représentent pas du tout la réalité et qui vont influencer la vision que les gens vont se faire de la toxicomanie et des femmes », déplore-t-elle.
Le diktat des normes sociales
Selon Sylvie Morin, il existe une incompatibilité entre les stéréotypes féminins et la toxicomanie. Les femmes toxicomanes se retrouvent donc avec un triple ou même un quadruple stigma. Elles dévient ainsi de la population générale, des personnes qui présentent un problème de toxicomanie, des normes sociales genrées ou encore de la norme d’une « bonne mère ». Tout ceci entraine évidemment des répercussions sur la perception de soi et sur le type de consommation.
« Ce stigma social a vraiment des conséquences importantes sur la trajectoire de dépendance de la femme. Il influence la façon dont la femme va se percevoir, comment elle intériorise ces attentes et ces perceptions. Les femmes sont conscientes de leur triple ou quadruple déviance. Elles vont avoir un sentiment de honte et de culpabilité. Elles vont avoir tendance aussi à vouloir cacher davantage leur consommation et leur problématique étant donné qu’elles ont peur de la perception de l’entourage. Ça a même un impact sur leur recherche d’aide et sur leur entrée en traitement », a-t-elle énuméré.
Parmi les autres obstacles au traitement, Mme Morin a signalé une attitude de déni très fort et associé à la stigmatisation de l’autre. Elle a également mentionné l’absence de structures dans les centres de dépendance pour accommoder les mères avec, par exemple, des services de garde d’enfants.
« On va même retrouver chez certaines intervenantes et certains intervenants ces attitudes différentes à l’égard des femmes, en particulier quand elles sont mères ou enceintes. Elles font l’objet des jugements les plus durs, les plus sévères […] Cela fait en sorte qu’il va avoir un impact important sur la réussite du traitement et du maintien en traitement de ces femmes », a-t-elle précisé.
D’ailleurs, la crainte de perdre son enfant représente le principal obstacle chez les mères qui souffrent d’un problème de toxicomanie et forme l’une des raisons majeures pour lesquelles elles n’iront pas chercher d’aide.
« Une étude publiée cette année a démontré en fait que la perte de la garde des enfants augmente de 55 % le risque de surdose accidentelle », a-t-elle souligné en ajoutant que ce risque est deux fois plus grand chez les femmes autochtones.
Cela dit, la conférencière a indiqué que la façon d’intervenir auprès des femmes toxicomanes joue un rôle élevé dans leurs niveaux de rétablissement, de leur demande d’aide et même de leur survie.
Pour en découvrir plus à ce sujet, visionnez le webinaire dans son intégralité ici. Les gens intéressés à l’intervention en toxicomanie peuvent également s’informer au sujet du Certificat en toxicomanie offert entièrement en ligne par l’Université de Moncton.
Sylvie Morin est l’auteure du cours TSTX 4940 Femmes et toxicomanie à l’École de travail social de l’Université de Moncton, ainsi que professeure agrégée de psychologie à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston. Ses travaux de recherche portent notamment sur la santé des femmes, le féminisme, la violence à caractère sexuel, le consentement, les représentations sociales et la résilience. Elle a agi comme responsable de dossier pour la section sur les femmes et le féminisme dans l’ouvrage collectif État de l’Acadie. Elle est actuellement présidente de la Fondation Escale MadaVic, ainsi que de Famille et Petite enfance Nord-Ouest. Elle est, entre autres, membre du comité aviseur du Centre d’aide en violence sexuelle — L’Éclipse, du comité Égalité UMCE et du Groupe de travail pour une culture du consentement de l’Université de Moncton. De 2012 à 2016, elle a assuré la présidence du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick.