Ambivalence au changement, faible perception envers la nécessité de changement et faible sentiment de compétence forment quelques facteurs explicatifs pour la résistance au changement ou l’abandon de traitement en toxicomanie. L’entretien motivationnel (EM) a quant à lui démontré son succès pour favoriser l’engagement des individus dans une démarche de changement et cet outil a fait ses preuves dans le traitement en dépendance. Le webinaire intitulé « L’entretien motivationnel, une pratique efficace en toxicomanie ! » présente ainsi quelques outils d’intervention pour permettre de travailler avec une clientèle réfractaire au traitement. La Formation continue de l’Université de Moncton offre ce webinaire gratuitement dans le cadre de son Certificat sur les toxicomanies.
La conférencière, Pascale Bibeau, a tout d’abord noté que les taux d’abandon aux traitements en toxicomanie oscillent entre 20 % et 50 %, alors que 30 % des individus quittent le traitement parce qu’ils n’apprécient pas le traitement ou la personne intervenante. D’autres variables peuvent également entrer en jeu comme l’ambivalence au traitement, la crainte de raviver la douleur émotionnelle, le sentiment d’inefficacité ou encore une faible alliance thérapeutique. « Les personnes toxicomanes qui débuteraient un traitement avec des doutes sur leur capacité à contrôler leur consommation ont tendance à cesser rapidement le traitement, même lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés », ajoute-t-elle.
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Le « discours-changement », un élément clé de l’entretien motivationnel
Par sa nature, l’entretien motivationnel permet de renforcer le sentiment d’efficacité personnelle de la personne, ce qui augmenterait sa capacité à se rendre jusqu’au bout du traitement. « Les recherches sur l’efficacité de l’entretien motivationnel indiquent qu’une portion de la variance serait attribuable au “discours-changement”. Spécifiquement, plus la personne verbalise ses raisons de changer, plus grande sera la probabilité à initier un changement », avance Mme Bibeau.
Aussi, l’approche collaborative de l’entretien motivationnel représente un élément explicatif de la réussite de cette approche, tout comme l’importance accordée au travail de partenariat avec la personne sur une base égalitaire, sans jugement ni étiquette. Cette méthode propose ainsi des outils pour diminuer la distance de la clientèle et augmenter le « discours-changement », ce qui va permettre d’accroitre la motivation au changement de la clientèle.
Des pièges à éviter
L’entretien motivationnel évite donc l’utilisation du rôle d’experte ou d’expert par les thérapeutes puisque l’offre de solutions entraine dans son sillage l’idée que la personne n’est pas assez compétente pour en trouver elle-même. Également, l’entretien motivationnel ne demande pas l’adoption d’une étiquette de toxicomane ou d’alcoolique comme un prérequis au changement tel que le préconise la méthode communément employée par Alcooliques anonymes, par exemple.
Au contraire, l’entretien motivationnel considère la personne comme un partenaire dans un esprit de collaboration. Celle-ci possède les ressources pour résoudre son ambivalence dans le respect de son autonomie. « Ce n’est pas à nous de prendre les décisions qui doivent toutes venir de la personne cliente. Nous, on va l’accompagner pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés », souligne la conférencière.
L’entretien motivationnel préconise également d’exprimer l’empathie, de développer la discordance, tout en dansant avec la résistance et en soutenant l’auto-efficacité. Mme Bibeau rappelle que l’entretien motivationnel est centré sur la personne et que l’écoute réflective s’avère fondamentale. La communication emphatique indique un principe d’acceptation, ce qui facilite le changement. L’attitude d’acception permet de construire une alliance thérapeutique et n’oublions pas que l’ambivalence demeure normale. L’écoute sans jugement, avec curiosité et sans interruption, représente un élément essentiel de l’entretien motivationnel.
Développer la discordance
Selon la conférencière, un des moyens de susciter le « discours-changement » passe par le développement de la discordance. « Cela consiste à augmenter de façon sensible l’inconfort de la personne cliente face à sa situation et à ses buts personnels afin qu’elle progresse plus rapidement au sein des stages du changement », explique-t-elle en rappelant de considérer la divergence entre ce que la personne vit et ce qu’elle voudrait être, ses valeurs personnelles ou autres.
Mme Bibeau a ainsi exploré ces éléments plus en détail dans sa présentation, avant d’enchainer avec des extraits d’intervention afin de démontrer quelques pièges à éviter. Elle a discuté de stratégies et d’outils d’intervention pratiques comme l’utilisation de l’écoute réflective, des questions ouvertes ou encore l’outil de la règle ou du thermomètre. Celui-ci permet de demander à la personne de noter sur une échelle de 1 à 10 l’importance accordée au changement des comportements problématiques ou bien de ses capacités de changer. L’approche préconisée vise toujours à mener la personne vers un « discours-changement » pour augmenter la motivation au changement.
Des savoir-faire essentiels
En résumé, L’entretien motivationnel repose sur des savoir-faire essentiels de communication qui sont centrés sur la personne et des stratégies d’ouverture. Ceux-ci comprennent l’utilisation de questions ouvertes, la valorisation et l’écoute de façon réflective. L’intervenante ou l’intervenant doit résumer et récapituler pour enfin échanger des informations et des conseils, bien entendu après avoir demandé la permission de la personne.
Pour plus de détails sur l’entretien motivationnel, son approche et ses outils, n’hésitez pas à visionner le webinaire de Mme Bibeau dans son intégralité ici ou bien inscrivez-vous au Certificat sur les toxicomanies, offert entièrement en ligne par l’Université de Moncton.
Pascale Bibeau est l’auteure du cours TSTX 4950 Santé mentale et toxicomanie à l’École de travail social de l’Université de Moncton, ainsi que plusieurs autres cours pour l’Université de Moncton et l’Université de Montréal. Mme Bibeau détient une maîtrise en intervention en toxicomanie de l’Université de Sherbrooke, un baccalauréat en criminologie et un certificat en toxicomanie de l’Université de Montréal. Elle est membre de l’ordre des criminologues et membre de l’ordre des psychologues du Québec. Chargée de cours à l’Université de Montréal en toxicomanie depuis 1997, elle consacre actuellement sa carrière à l’enseignement dans le domaine de la toxicomanie et en prévention des agressions auprès du personnel municipal à travers le Québec.