Baccalauréat en éducation primaire en ligne : une solution pour la pénurie

Baccalauréat en éducation primaire en ligne : une solution pour la pénurie

Baccalauréat en éducation primaire en ligne : une solution pour la pénurie

Une solution adaptée pour relever un défi spécifique

Une pénurie de main-d’œuvre combinée à un nombre élevé d’enseignantes et d’enseignantes à l’aube de la retraite laissait envisager une tempête parfaite dans les salles de classe du Nouveau-Brunswick. Le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance (MEDPE) a donc approché l’Université de Moncton, la Faculté des sciences de l’éducation et la Formation continue pour trouver une solution adaptée à ses besoins spécifiques.

Julie Beaulieu Mason, sous-ministre adjointe aux services éducatifs francophones au MEDPE, explique que la province voyait la situation se détériorer graduellement depuis déjà plusieurs années. La pénurie de main-d’œuvre s’est tout d’abord fait ressentir dans les salles de classe du sud du Nouveau-Brunswick, mais que la tendance s’est rapidement élargie au nord de la province. « Nous savons que beaucoup de retraites s’en viennent dans les prochains temps et nous devions vraiment nous préparer pour cette réalité. Aussi, de 2009 à 2016 et même jusqu’à 2019, nous avons vu une baisse dans le nombre de jeunes étudiantes et étudiants au baccalauréat en éducation, autant au primaire qu’au secondaire. Il y avait peut-être moins d’intérêt pour la profession enseignante et, avec les retraites, ceci a créé ce manque de main-d’œuvre », explique-t-elle. 
Une demande auprès de l’Université de Moncton a permis d’augmenter le nombre de sièges en éducation dans les programmes habituels de la Faculté des sciences de l’éducation. Cependant, ces futurs enseignantes et enseignants ne se retrouveront sur le marché du travail que dans cinq ans, ce qui ne réglait pas la situation qui sévissait actuellement. « Il fallait avoir une stratégie hors de la boite pour trouver une solution différente de ce qui a toujours été fait. Nous avons trouvé une différente formule pour trouver des gens qui, comme le dit l’expression, veulent se réinventer et explorer un différent parcours! », avance-t-elle.

Un défi de taille

Hugues Beaulieu est registraire au Bureau de la certification des maitres au ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, soit le bureau responsable de l’agrément du personnel enseignant. Il explique que le Ministère dispose de politiques spéciales pour faire face à des pénuries d’enseignantes et d’enseignants dans des milieux ruraux, par exemple, ou bien dans des domaines où il s’avère particulièrement difficile de recruter comme la musique ou les métiers. « Essentiellement, ces politiques permettent à des enseignantes suppléantes et des enseignants suppléants, sur la recommandation de leur employeur, de détenir un certificat d’enseignement provisoire pendant qu’ils poursuivent leurs études pour obtenir un baccalauréat en éducation, et ce, dans le délai prescrit par le Ministère », précise-t-il. Une fois le baccalauréat obtenu, ces personnes reçoivent un certificat d’enseignement permanent. 

« Il y avait toutefois un hic : il faut que ces enseignantes suppléantes et enseignants suppléants, qu’ils soient à Edmundston, Caraquet ou Bouctouche, puissent suivre les cours du baccalauréat à temps partiel et dans leur région. Or, cette possibilité n’existait pas. Il fallait trouver une solution », se rappelle-t-il.

Une solution sur mesure

En collaboration avec la Formation continue, la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton a donc mis sur pied un programme destiné spécifiquement à cette clientèle. Le baccalauréat en éducation primaire offert entièrement en ligne et à temps partiel a été proposé à ces gens qui détenaient déjà un baccalauréat dans un autre domaine et qui œuvraient dans les écoles. 
Dany Benoit, directeur général de la Formation continue, explique que des cours déjà offerts à la Faculté des sciences de l’éducation ont été médiatisés grâce à un financement de Patrimoine Canada. Une première cohorte de 13 étudiantes et étudiants a commencé le programme de trois ans en septembre 2021, suivi d’une deuxième cohorte de 19 personnes en 2022. 
« La particularité du programme est qu’il est offert entièrement en ligne. Aussi, il s’agit d’un programme accéléré afin de former des enseignantes et des enseignants le plus rapidement possible pour intégrer le marché du travail », précise M. Benoit.
Il reconnait que le programme représente un défi important à relever pour ces étudiantes et étudiants dont la plupart travaillent à temps plein dans les écoles. Tous les efforts ont été mis en œuvre pour faciliter leur apprentissage, par exemple avec un horaire de cours flexible adapté à la réalité d’une personne qui œuvre dans le milieu scolaire. « Nous nous sommes ajustés et nous avons une belle collaboration avec le Ministère, les districts scolaires et la Faculté des sciences de l’éducation. Nous essayons de répondre aux attentes des étudiantes et des étudiants pour les garder dans le programme pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre », souligne Dany Benoit.
De son côté, Hugues Beaulieu explique que le bureau de certification des maitres a émis des certificats 4 provisoires à ces étudiantes et étudiants qui, de plus, devaient recevoir une recommandation de leur employeur, soit leur district scolaire respectif. Ce certificat 4 leur permettait donc de continuer d’enseigner, à condition d’obtenir un baccalauréat en éducation dans un délai de quatre ans comme le stipule la politique ministérielle. « Avec ce baccalauréat en ligne, nous avions enfin en main l’outil pour nous permettre de mettre en place la politique et de répondre à nos besoins pour faire face à la pénurie en enseignement », se réjouit le registraire.
Il ajoute que cette solution élégante permet de retenir ces gens qui répondaient déjà à un besoin criant au niveau local. Ceci leur évite de quitter leur emploi au district scolaire pour obtenir une formation en enseignement, ce qui exacerberait la pénurie. De plus, avec un baccalauréat en éducation en poche, ces personnes diplômées seront admissibles à un certificat d’enseignement permanent de niveau 5 pour une meilleure sécurité d’emploi.
Mme Beaulieu Mason souligne elle aussi les excellents résultats de cette collaboration avec la Formation continue et la Faculté des sciences de l’éducation. « Avec ces partenaires, nous avons pu monter un programme qui répond à nos exigences au niveau de la certification pour des étudiantes et des étudiants qui travaillent à temps plein dans nos salles de classe. Avec ce genre de certificat provisoire, ces gens peuvent s’inscrire à l’Université et suivre leur baccalauréat à temps partiel à distance sans avoir besoin d’être à Moncton pour faire leurs études, ce qui était critique pour nous », ajoute-t-elle. Elle précise que le mode à distance élimine un obstacle important en milieu rural, ainsi qu’à Fredericton, Saint-Jean, Miramichi et le nord de la province où la demande pour des enseignantes et des enseignants est plus élevée.
Une troisième cohorte est envisagée et Dany Benoit avance que le succès de l’expérience est de bon augure pour l’avenir. « Nous prévoyons créer un genre de microgramme de cinq cours, une passerelle pour les enseignantes et les enseignants en provenance de l’international. Ce programme pourrait servir de mise à niveau pour répondre aux exigences du ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick », ajoute-t-il.
Mme Beaulieu Mason voit d’un très bon œil ce développement éventuel puisque cela faciliterait la tâche du MEDPE lors du recrutement au niveau international. En outre, le MEDPE aimerait bien voir le programme à temps partiel en ligne offert de façon continue pour offrir aux personnes étudiantes des occasions plus flexibles pour le suivre, sans se limiter à une cohorte précise.
Enfin, Mme Beaulieu Mason souligne que ses collègues au sein des autres ministères de l’Éducation ailleurs au Canada ont exprimé beaucoup d’intérêt pour ce type de solution au défi de main-d’œuvre dans le milieu de l’enseignement. « L’avantage que nous avons eu est d’avoir créé quelque chose qui répond aux besoins des francophones pour nos écoles aujourd’hui en vue de la pénurie que l’on vit », conclut-elle avec satisfaction.

Expérience d’une étudiante et d’un étudiant

Un déclic pour devenir enseignante

Le déclic s’est produit alors qu’elle s’interrogeait sur son avenir professionnel. Jovanie Lagacé d’Edmundston avait travaillé quelques années comme éducatrice en intervention précoce après avoir obtenu un baccalauréat en philosophie et en psychologie, puis une maitrise en philosophie. Elle avait ensuite obtenu un poste pour offrir des ateliers sur l’environnement dans les écoles. « À un moment, il y a eu un déclic pour retourner aux études parce que le dénominateur commun est l’éducation. C’est ça qui m’intéresse beaucoup », explique-t-elle.
Malgré ses diplômes universitaires précédents, Jovanie a découvert qu’elle devait s’inscrire à un baccalauréat en éducation de quatre ans pour devenir enseignante. « Alors je suis retournée aux études avec des étudiantes et des étudiants de 20 ans! Avec la différence d’âge, ça fait tout un choc! », souligne-t-elle en riant.
C’est qu’à ce moment, le baccalauréat en éducation primaire en ligne à temps partiel sur une période de trois ans n’était pas encore offert. Ce n’est qu’après deux semestres d’étude qu’un professeur lui mentionne cette nouvelle avenue. Jovanie a donc approché son district scolaire pour déterminer si elle pouvait se qualifier pour un certificat local provisoire et travailler dans une école tout en poursuivant ses études.
« J’ai commencé en septembre 2022 et j’ai pu appliquer pour une suppléance à long terme dans les écoles, ce qui était temporaire. Et depuis novembre 2022, j’occupe le poste de collaboratrice vie-carrière qui est un nouveau poste ouvert dans la province. Je peux donc travailler à temps plein et suivre mes cours à temps partiel le soir », explique-t-elle.
Son travail lui permet de collaborer et d’observer d’autres enseignantes et enseignants gérer leur classe. Elle voit sur le terrain des collègues appliquer les notions qu’elle apprend elle-même dans ses cours. « Je trouve ça vraiment enrichissant », ajoute-t-elle.
Le format du baccalauréat en ligne est aussi parfaitement adapté à ses circonstances puisque tout est orienté en fonction d’une population étudiante adulte qui travaille à temps plein. En riant, elle concède qu’étudier à temps partiel tout en occupant un emploi à temps plein demande de la discipline et de la motivation. « Mais les cours sont conçus pour s’adapter à notre horaire. C’est vraiment une bonne compréhension de la conciliation études-travail », conclut-elle.

Une passerelle pour compléter sa formation en enseignement

Mamoudou Doumbouya a toujours été intéressé par l’enseignement et le partage de connaissances. Originaire de Guinée-Conakry, il a poursuivi ses études universitaires au Maroc où il a obtenu un doctorat en physique. Il a travaillé dans son domaine d’étude tout en enseignant en parallèle dans des écoles privées marocaines. « Dans les pays comme le Maroc, une fois qu’une personne a effectué des études de troisième cycle, il est entendu qu’elle est habileté à donner des cours. Mais une fois arrivé au Canada, c’était un peu plus difficile, car les conditions et exigences ne sont pas les mêmes », explique-t-il.
À son désarroi, il a découvert qu’il devrait retourner aux études pendant quatre ans pour obtenir un baccalauréat en éducation pour enseigner dans la ville de Québec où il s’était tout d’abord établi en 2018. Sur les conseils d’une amie, il s’est alors informé sur les possibilités offertes au Nouveau-Brunswick. 
« Le Nouveau-Brunswick est une région qui a compris comment gérer la pénurie de l’enseignement. Je suis quelqu’un qui a plus ou moins d’expérience et qui sait qu’il est capable. Mais il faudrait peut-être me donner l’opportunité et la chance et, en même temps, m’accompagner. Mettez-moi à l’épreuve et vous allez voir ce dont je suis capable », lance-t-il.
Il a ainsi commencé à faire de la suppléance dans les écoles francophones de la région de Fredericton. Puis il est devenu enseignant dans une classe de 6e année à l’École Les Éclaireurs avec une expérience en enseignement en appui dans les classes de 7e et 8e année, en plus de faire de la suppléance flottante une journée et demie par semaine, le tout avec un certificat d’enseignement provisoire. 
À son grand bonheur, il a été recommandé puis accepté au programme de baccalauréat en éducation primaire offert à temps partiel en ligne par la Formation continue de l’Université de Moncton. « Dès les premiers jours de cours, j’ai tout de suite compris, en fait, c’est ça qui me manquait! Je sais que j’ai la capacité, mais il y avait certains détails qui m’échappaient peut-être. Alors voilà la méthode, la manière et les outils! Ça m’a fasciné et c’est génial », affirme-t-il avec enthousiasme.
Ceci le motive à étudier tout en enseignant et en effectuant la navette vers Québec où habitent encore son épouse et leurs trois enfants en attendant de trouver un logement permanent à Fredericton. « Je suis très content de suivre ce programme et j’espère le terminer dans de bonnes conditions pour obtenir un poste en enseignement », conclut-il, les yeux fermement fixés sur son objectif.