Santé mentale et toxicomanie : problème double, solutions multiples ! 

Santé mentale et toxicomanie : problème double, solutions multiples ! 

Santé mentale et toxicomanie : problème double, solutions multiples ! 

Intervenir en toxicomanie auprès d’une personne avec un problème de santé mentale présente plusieurs enjeux et défis particuliers. Ceux-ci se reflètent sur le diagnostic, le maintien de la clientèle dans le traitement, les ressources d’aide appropriées, la motivation, les préjugés, etc. Pour plusieurs, la consommation apparaît à la fois comme une solution au problème de santé mentale et une conséquence de celui-ci. Le webinaire « Santé mentale et toxicomanie : problème double, solutions multiples ! », offert gratuitement par la Formation continue de l’Université de Moncton, explore donc les enjeux liés à l’intervention en toxicomanie auprès d’une clientèle qui présente un trouble de la personnalité ou un problème de santé mentale. La conférencière, Pascale Bibeau, propose des balises d’intervention adaptées en vue de favoriser l’alliance thérapeutique. 

Criminologue et psychothérapeute de formation, Mme Bibeau a ainsi profité de ce webinaire pour suggérer quelques pistes pour intervenir auprès d’une clientèle qui connait des problèmes concomitants à des problèmes de santé mentale. « Les problèmes mentaux sont la règle plutôt que l’exception chez les clientèles qui présentent des troubles d’usage de substance. Plus de 50 % des personnes toxicomanes qui demandent des traitements en toxicomanie présentent une concomitance de problème mentale et d’un trouble de l’usage des substances », souligne-t-elle d’entrée en matière.  

Anxiété, dépression majeure et troubles de la personnalité s’avèrent les plus fréquents, qu’ils soient de gravité légère ou modérée, souvent soupçonnés et non diagnostiqués. « De 53 % à 100 % des usagères et des usagers présenteraient un problème de personnalité antisociale, limite ou narcissique. La moyenne est évaluée à 80 %. De 2 % à 8 % présenteraient des troubles mentaux graves et persistants comme la schizophrénie et le trouble bipolaire », énumère-t-elle. 

Mme Bibeau reconnait que le diagnostic de ces conditions relève des spécialistes en santé mentale, mais que les personnes qui interviennent en toxicomanie doivent toujours être alertes pour détecter certains signes de troubles mentaux ou de troubles de personnalités possibles. « Nous devons le savoir pour ajuster nos stratégies d’intervention pour créer cette alliance thérapeutique », souligne-t-elle.  

Elle rappelle également que cette clientèle s’avère particulièrement vulnérable. Des symptômes ou caractéristiques peuvent provenir autant d’un trouble d’usage de substance que d’un problème mental, ce qui complexifie l’intervention. Dans un monde idéal, un traitement intégré avec des services adaptés permettrait d’intervenir à la fois en toxicomanie et en santé mentale, mais, comme le déplore Mme Bibeau, de telles ressources sont très rares. 

Et si la personne était alexithymique… 

Après avoir discuté de variables de la concomitance susceptibles d’influer sur différentes manifestations et des étiologies possibles de cette concomitance, Mme Bibeau s’est attardée à l’alexithymie. Ce trouble comprend une incapacité à exprimer ses émotions par les mots et touche 10 % de la population générale. Toutefois, entre 70 % et 80 % des personnes toxicomanes présentent des caractéristiques d’alexithymie, ce qui affecte donc beaucoup l’intervention. 

Outre l’incapacité à identifier ses émotions et sentiments, l’alexithymie présente des limitations de la vie imaginaire. La personne éprouve alors de la difficulté à imaginer les scénarios d’un plan d’intervention. Sa pensée s’avère très pragmatique et la personne recourt à l’action pour éviter les conflits ou d’exprimer ses émotions, ce qui se traduit souvent par la consommation de substances. 

Mme Bibeau souligne que des travaux ont démontré l’efficacité de psychothérapie de soutien pour les toxicomanes alexithymiques et que les psychothérapies cognito-comportementales se sont montrées moins efficaces. Elle a notamment suggéré de travailler les émotions avec la personne pour qu’elles puissent refléter leurs sensations physiques et ainsi les nommer et se les approprier. 

Anxiété, stress post-traumatique et troubles de personnalité 

Le webinaire a ainsi abordé quelques balises et stratégies d’intervention, non seulement pour l’alexithymie, mais aussi pour la concomitance d’un problème d’anxiété et d’un trouble de l’usage des substances. « Le traitement de trouble de l’usage des substances et de l’anxiété devrait être pris en charge simultanément et, idéalement, au moyen d’un traitement intégré. Sinon, il y a un fort risque d’abandon du traitement ou de rechute », a-t-elle rappelé. 

La conférence s’est ensuite attardée au trouble de stress post-traumatique où les troubles de l’usage des substances peuvent survenir, souvent dans un désir d’automédication à l’aide d’alcool ou de drogues. Pascale Bibeau a également offert un survol de plusieurs troubles de personnalité, comme les personnalités histrioniques, narcissiques ou bien antisociales. Elle a proposé des balises d’intervention pour chacune, le tout dans une perspective d’intervention en toxicomanie et parsemé d’exemples pratiques tirés de son expérience professionnelle.  

« Une collaboration précoce entre les intervenantes et les intervenants en dépendance et en santé mentale permettrait d’adapter les interventions aux besoins particuliers de cette clientèle. Une évaluation en santé mentale devrait être réalisée auprès de tout individu qui fait appel à des services de réadaptation en dépendance », a-t-elle martelé à plusieurs reprises. Elle a également rappelé que cette responsabilité incombe au système de santé et non à l’individu. 

Pour explorer davantage ces thématiques, visionnez le webinaire dans son intégralité ici ou bien inscrivez-vous au Certificat sur les toxicomanies offert entièrement en ligne par l’Université de Moncton : Certificat sur les toxicomanies | Certificat sur les toxicomanies (umoncton.ca)

Pascale Bibeau est l’auteure du cours TSTX 4950 Santé mentale et toxicomanie à l’École de travail social de l’Université de Moncton, ainsi que plusieurs autres cours pour l’Université de Moncton et l’Université de Montréal. Mme Bibeau détient une maîtrise en intervention en toxicomanie de l’Université de Sherbrooke, un baccalauréat en criminologie et un certificat en toxicomanie de l’Université de Montréal. Elle est membre de l’ordre des criminologues et membre de l’ordre des psychologues du Québec. Chargée de cours à l’Université de Montréal en toxicomanie depuis 1997, elle consacre actuellement sa carrière à l’enseignement dans le domaine de la toxicomanie et en prévention des agressions auprès du personnel municipal à travers le Québec.