Premières Nations et toxicomanie : une histoire à mieux comprendre pour mieux intervenir

Premières Nations et toxicomanie : une histoire à mieux comprendre pour mieux intervenir

Premières Nations et toxicomanie : une histoire à mieux comprendre pour mieux intervenir

Attitude colonisatrice et paternaliste, préjugés, biais et suppositions entachent souvent la perception des Premières Nations. Dans un désir de sensibilisation aux réalités des peuples autochtones, la Formation continue de l’Université de Moncton a proposé un webinaire gratuit, intitulé « Premières Nations et toxicomanie : une histoire à mieux comprendre pour mieux intervenir », en lien avec le Certificat sur les toxicomanies offert en ligne.  

La conférencière Lisa Ellington y a tout d’abord brossé un portrait des Premières Nations à travers l’histoire pour aider à comprendre le contexte social de vie dans les communautés autochtones. Elle a rappelé que le Nouveau-Brunswick et la ville de Québec, où elle se trouvait au moment du webinaire, sont situés sur des territoires autochtones non cédés, puis elle a enchainé avec une brève description des communautés autochtones au Nouveau-Brunswick. 

« Les Mi’kmaq et les Malécites font partie de la grande famille du peuple algonquin au Canada et avaient un mode de vie traditionnel nomade. Les Mi’kmaq étaient les premiers occupants de la région atlantique canadienne et se déplaçaient dans le territoire selon leurs activités de subsistances, donc la chasse, la pêche, et les différentes périodes de l’année. Les Malécites de leur côté habitent depuis très longtemps la vallée du fleuve et avaient aussi un mode de vie nomade. Donc, ils vivaient de chasse et de pêche et ils cultivaient le maïs, les haricots, la courge et le tabac. À certains endroits où il y avait une abondance de ressource, ils avaient aussi construit des petits villages semi-permanents », explique-t-elle. 

L’organisation sociale est fondée sur l’unité parentale avec les enfants, les grands-parents et parfois des membres de la famille élargie. Les enfants sont considérés comme des personnes à part entière et des membres de leur communauté. Leur éducation peut être assumée par les membres de leur famille ainsi que par des personnes de la communauté. 

« Il y a des nations différentes, mais aussi des communautés différentes. Il est important de ne pas homogénéiser les situations et il faut faire preuve de nuances », rappelle-t-elle. 

La vision du monde autochtone 

Pour illustrer la vision du monde autochtone, Lisa Ellington a quand même identifié plusieurs grands principes qui unissent généralement les Nations autochtones. « Si on remonte un peu dans l’histoire avant l’arrivée des colons européens, les Premières Nations avaient leur propre système de fonctionnement en société, leur propre gouvernance et leurs valeurs. Donc, les nations sont très diversifiées encore aujourd’hui, mais elles ont une vision du monde qui peut être similaire. Il est important de la comprendre, ce qui peut aider à orienter nos interventions auprès de la clientèle autochtone », avance-t-elle. 

Ainsi, un regard global et holistique s’avère nécessaire et relié à la survie dans un grand territoire où la vie n’est pas compartimentée, mais plutôt considérée dans son ensemble. Comme tout est interconnecté, les responsabilités et droits collectifs revêtent une grande importance. Chaque individu a l’occasion de développer une identité positive individuelle, mais qui n’est pas séparée de la collectivité. 

Cette vision du monde est relationnelle, expérientielle et partagée avec tout ce que le Créateur a mis sur terre. Les gens partagent des relations avec des personnes et des phénomènes. « Nous voyons ça au niveau de l’intervention. Nous créons un nouveau “nous” qui n’existait pas avant qu’on rentre en relation et nous sommes responsables de ce que nous avons créé », précise-t-elle. 

Un autre principe stipule qu’il existe plusieurs vérités et réalités qui dépendent des expériences individuelles et collectives. « C’est quelque chose qui se transpose dans l’intervention. Par exemple, si on est en relation d’aide et que notre point de départ est nos propres valeurs et notre vision du monde, il y aura évidemment des biais. Nous ne sommes jamais neutres. Nous avons notre propre expérience et notre propre réalité. Pour les peuples autochtones, il est important d’aller vers l’autre, d’analyser l’autre et son expérience individuelle et collective », explique-t-elle. 

Des roches aux montagnes, en passant par le vent et les arbres : tout est vivant et donc digne de respect. Tout est égal et devrait être en harmonie, y compris les êtres humains, qui n’ont pas d’autorité hiérarchique sur le reste de l’environnement. Le territoire ne représente pas seulement un lieu géographique, mais c’est de lui qu’émanent les valeurs et la manière de tisser des liens. « Plusieurs peuples autochtones disent qu’ils doivent se reconnecter à la terre même pour poursuivre des démarches de guérison. Ils vont donc opter pour des activités de ressourcement sur le territoire, plutôt que des méthodes occidentales comme aller en thérapie », note Mme Ellington. 

Enfin, la relation entre les individus et le monde spirituel s’avère très importante, avec une connexion entre le spirituel et le monde physique. Des personnes guérisseuses ou des guides spirituels forment des intermédiaires respectés.  

Les bouleversements de la colonisation 

L’arrivée des colons européens a fondamentalement bouleversé les familles et les structures familiales des Premières Nations et a imposé une autre vision du monde. Lisa Ellington a ainsi détaillé des générations de traumatismes profonds engendrés par l’arrivée des colons. Par exemple, les cérémonies traditionnelles et les danses autochtones deviennent interdites et les déplacements des autochtones sont restreints sans permission de l’autorité coloniale. La Loi sur les Indiens a structuré d’imposantes inégalités, notamment pour les femmes autochtones. Les enfants sont victimes de négligences, d’abus physiques, sexuels et psychologiques au sein des pensionnats et sont arrachés de leurs familles par les autorités colonisatrices.  

« Les politiques colonialistes et assimilatrices qui ont eu cours pendant plusieurs décennies ont considérablement miné les droits fondamentaux des communautés et ont entrainé l’adoption des lois qui ont amoindri, et presque anéanti les capacités des communautés autochtones de décider de leur avenir, autant comme groupe culturel distinct ou comme individu », dénonce-t-elle.  

Selon elle, les conséquences de la colonisation n’appartiennent pas au passé et se reflètent encore et toujours sur les problématiques sociales et contemporaines vécues par les membres des Premières Nations. Pour en connaitre plus sur le sujet, visionnez le webinaire de Mme Wellington où elle explore les problématiques actuelles liées à la toxicomanie, en plus de proposer quelques pistes pour mieux intervenir auprès de cette clientèle.  

Lisa Ellington est travailleuse sociale, détentrice d’une maîtrise en travail social et actuellement étudiante au doctorat, à l’Université Laval. Elle a travaillé comme conseillère des services à l’enfance et à la famille dans une organisation régionale autochtone pendant six ans, où elle avait comme rôle de soutenir les équipes d’intervenants sociaux dans toutes les communautés non conventionnées (27) au Québec. Elle est l'experte de contenu du cours Premières Nations et toxicomanie (TSTX3950) offert dans le Certificat sur les toxicomanies.