LIAISONS no 2 Février 2018 - page 6

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L i a i s o n s
Jacques
A
rseneault
Depuis le début des années 80, la presque totalité des œuvres que je réalise sont
inspirées de textes littéraires. Mon but n’est pas d’illustrer les textes, mais de m’en
servir comme point de départ. C’est en découvrant les écrits de Raymond Roussel
que j’ai trouvé un moyen de créer des œuvres visuelles à partir de textes littéraires,
qui n’en sont pas pour autant des illustrations. En lisant son essai « Comment j’ai
écrit certains de mes livres
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» m’est venue l’idée d’utiliser le procédé de création de
Roussel et de l’appliquer au domaine des arts visuels. Intrigué par la complexité de
son roman
Impressions d’Afrique
, j’ai réalisé la première gravure ayant comme toile
de fond ce roman de Roussel en 1985.
En m’inspirant du roman
Impressions d’Afrique
, j’ai choisi deux mots, « Afrique » et
« Amérique », qui par un jeu paronymique me donnait « À mes frites ». J’y ai ajouté le
mot « impression », ce qui m’a donné le titre de l’œuvre, « Impressions à mes frites ».
Le mot « impression », dans son sens abstrait, désigne un sentiment imprécis que
l’on éprouve envers un objet. Dans son sens concret, c’est aussi l’action d’imprimer
un objet, d’où l’impression d’une gravure par exemple. Le mot « frite », dans son
sens commun, est un petit morceau de pomme de terre, généralement allongée,
mangé frit et chaud. Le mot « frite » peut aussi vouloir dire « recevoir un coup du
revers de la main », d’où l’expression « recevoir une frite ». Une fois le titre trouvé, j’ai
choisi une grande planche de bois sur laquelle j’ai tracé la carte du nord de
l’Amérique
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. Par la suite, j’ai soigneusement déposé des frites sur le bois en
remplissant le tracé du nord de l’Amérique
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. J’ai ensuite procédé à l’impression des
frites sur la planche de bois à l’aide de la presse à gravure. Il en a résulté une carte
obscure, celle laissée par le gras des frites transféré sur le bois lors de l’impression.
J’ai découpé le bois en suivant le contour obtenu par l’empreinte des frites. Il en a
résulté une planche de bois dont la forme ressemble vaguement au nord de
l’Amérique
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. C’est ce qui a servi de matrice pour le bois gravé.
Il restait à trouver le contenu à graver sur le bois. Encore une fois, j’ai choisi deux
mots : « Amérique » et « frites ». Pour trouver les images, j’ai effectué une recherche
à la bibliothèque en me servant des deux mots. J’ai consulté tous les livres (avec
illustrations) relatifs aux mots « frites » et « Amérique ». Mon choix s’est arrêté sur
quatre livres, dont deux se rapportaient au mot « Amérique ». Le premier s’intitule
L’Amérique noire
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et l’autre
Une Amérique française
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. Pour la recherche avec le mot
« frite », j’ai trouvé deux livres ayant le nom « Fritz », dont l’un s’intitule
Fritz Lang
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.
C’est à ce moment que commençait la partie cruciale du procédé. Mon choix s’est
arrêté sur quatre images. Mon but était d’amalgamer ces images pour n’en former
qu’une seule et de les intégrer à la forme découpée du bois. La première image que
j’ai utilisée provient du livre
Une Amérique française
. On y retrouve une vue intérieure
de l’atelier où fut construite la statue de la Liberté à Paris. À l’endroit sur la photo où
l’on aperçoit le bras tenant le flambeau de la statue, j’ai placé l’image d’un fermier
Tracé du nord de l’Amérique sur la planche de bois.
Disposition des frites sur le tracé du nord de l’Amérique.
Découpe du bois en suivant les traces laissées par le gras des
frites.
Le rôle de la littérature dans l’œuvre de
Jacques
ou
Comment
j’ai réalisé la plupart demesœuvres
Arseneault
Département des arts visuels
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