LIAISONS no 3 Février 2019 - page 4

Département d’anglais
Thomas
H
odd
Il y a trois ans, la Saint John Theatre Company m’a
proposé d’écrire une pièce de théâtre inspirée d’un
événement historique qui s’est déroulé à Saint
John, au Nouveau-Brunswick. Même si je n’avais
rien écrit pour le théâtre depuis des lustres, j’ai dit
oui, naïvement. Et dès que j’ai posé le combiné, je
me suis naturellement mis à paniquer.
Une fois remis de mes émotions, j’ai commencé à
m’attaquer à la recherche et à la préparation du
scénario. C’est alors que je me suis rendu compte
que mon expérience en enseignement pouvait
m’aider à surmonter bon nombre des obstacles liés
à la création littéraire.
La pièce qu’on me proposait d’écrire était centrée
sur le personnage de James Collins, un jeune
médecin venu d’Irlande qui aidait à évaluer les
12 000 immigrantes et immigrants en transit sur l’île
Partridge avant d’arriver à Saint John pendant l’été
de 1847, au moment où la famine en Irlande était à
son apogée. Avant même de pouvoir commencer à
écrire, j’allais devoir prendre un certain nombre de
décisions. Allais-je tenter d’écrire dans une langue
semblable à celle qui aurait été en usage au
Nouveau-Brunswick au milieu du XIX
e
siècle? Me
contenterais-je de mettre en scène des figures
historiques, des moments et des événements clés,
ou allais-je me permettre de prendre certaines
libertés? Et déjà, autour de qui devait tourner
l’histoire que je cherchais à raconter? Autour de
Collins? Ou d’une autre personne liée à l’événe-
ment? Et question tout aussi importante, comment
allais-je mettre en scène ce drame historique?
En repensant à tout cela, je peux citer au moins trois
cours qui m’ont aidé à surmonter ces défis.
Le premier, qui me semble être le plus évident, c’est
le cours de création littéraire que j’ai eu le plaisir de
donner les deux fois qu’il a été offert depuis 2015.
Bien que nous n’ayons pas abordé l’écriture drama-
tique à proprement parler, mes échanges continus
avec les étudiantes et étudiants et les séances de
travail sur leurs ébauches m’ont permis de raffermir
mes muscles de créateur et d’éditeur, lesquels se sont
avérés essentiels au moment d’entamer l’écriture et la
révision du scénario.
Ensuite, je pense aux cours que j’ai donnés sur le
théâtre contemporain et le théâtre canadien. En analy-
sant les textes à l’étude et en préparant mes notes, j’ai
réalisé que je pouvais m’inspirer d’un certain nombre
de modèles pour trouver le meilleur moyen de mettre en
scène l’histoire de Collins. J’étais en mesure de peser
le pour et le contre du recours à un cadre réaliste ou
symbolique, de reconnaître la valeur (et les limites)
d’une distribution nombreuse, de comparer les avan-
tages d’une histoire racontée en temps réel à ceux d’un
récit onirique, ou même d’imaginer une variante des
deux. En donnant ces cours, j’ai acquis des connais-
sances qui me permettaient de poser des questions
fondamentales sur l’arc dramatique, la tension entre
personnages et les choix de mise en scène au moment
de façonner le récit.
Je pense enfin au cours de théâtre canadien et à un
séminaire de maîtrise sur la fiction canadienne de la
Première Guerre mondiale, où mes étudiantes, mes
étudiants et moi avons passé beaucoup de temps à
théoriser sur l’histoire et à examiner diverses
approches adoptées par des écrivaines et écrivains
appelés à créer un récit pour le théâtre ou en prose.
Ces discussions ont été d’un grand secours au
moment de décider comment raconter des événe-
ments s’étant déroulés au XIX
e
siècle à un public d’au-
jourd’hui, tant sur le plan de la langue parlée par les
personnages qu’en ce qui concerne la manière d’illus-
trer les tensions culturelles entre immigrantes et immi-
grants irlandais et nativistes, entre hommes et femmes,
entre classes sociales et entre catholiques et protes-
tants.
Bref, ce voyage créatif m’a permis de découvrir que ce
que l’on enseigne à nos étudiantes et étudiants peut
nous être tout aussi utile à nous, les professeures et
professeurs. Et je suis heureux de vous annoncer que
No Man is An Island
a quitté ma table de travail et sera
mis en scène au Saint John Theatre Company en avril
2019.
L’enseignement ne fait pas qu’informer la recherche :
il alimente aussi la création
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