Le Prisme - Décembre 2014 No14 - page 3

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Pour bien des gens, la physique est une
science qui sert à calculer des choses
comme le temps qu’un objet en chute
libre prend pour toucher le sol. Cette
image classique de la physique, celle de
Galilée et la tour de Pise, provient peut-
être d’un enseignement à l’école qui
omet de donner une vue d’ensemble de
la physique et son impact sur la société.
Pour donner un exemple concret de cet
impact, le premier transistor, créé par
des physiciens il y a près de
60 ans, a donné naissance à
l’électronique de dimensions réduites,
aux circuits logiques, à l’ordinateur et ses
dérivés, incluant Internet.
Parmi les nombreux domaines où la
physique peut servir on compte le
sport. Les scientifiques du sport savent
maintenant que pour faire des avancées et
améliorer la performance des athlètes, il
faut connaître et appliquer les principes de
la physique, et utiliser systématiquement
ses méthodes expérimentales et l’analyse.
Bien sûr, la physique n’est pas la seule
science impliquée dans le développement
du sport. La chimie, par exemple,
permet de développer des matériaux
plus performants. Aussi, les programmes
d’entraînement des athlètes sont fondés sur
des principes de physiologie, qui relèvent
de la biologie.
Dans un sport d’élite, chaque petit
avantage compte, et la physique joue un
rôle central. Par exemple, si l’on entraîne
une ou un athlète pour développer sa force,
on néglige d’autres aspects importants
comme la puissance. Dans la vie de tous les
jours, on confond parfois les concepts de
force et de puissance, comme quand on dit
qu’un moteur a trois forces alors qu’il s’agit
d’unités de puissance. Mais en physique –
et dans les sports – ces concepts ont une
signification toute différente. La puissance
est nécessaire lorsqu’on doit effectuer un
effort rapide, comme pendant l’accélération
explosive d’une joueuse de hockey. La
force, elle, ne tient pas compte du temps, et
est utile dans l’effort d’un haltérophile, par
exemple.
L’analyse sportive a aussi bénéficié des
sciences et de la technologie. Au baseball,
des radars utilisent l’effet Doppler pour
mesurer la trajectoire de chaque balle
lancée ou frappée. Dans les ligues majeures,
des systèmes comme PITCHf/x captent la
position et la vitesse de la balle (en 3D) et
cataloguent l’information dans une base de
données. (Ceci mène à un autre problème :
l’accumulation d’une quantité faramineuse
d’informations à classer et à retrouver, mais
on laissera ça aux informaticiens !).
Il est possible qu’on puisse dans un avenir
rapproché faire de l’analyse similaire au
hockey sur glace. La photo ci-contre est
tirée d’une vidéo que The Sports Network
(TSN) est en train de réaliser pour analyser
certains jeux au hockey. Le professeur Alain
Haché du Département de physique et
d’astronomie de l’Université de Moncton
a récemment travaillé avec le responsable
du projet, l’ex-gardien de buts de la
Ligue nationale de Hockey (LNH) Jamie
McLennan, pour concevoir une façon
d’évaluer la performance d’un gardien face
à un tir rapide. La vitesse d’une rondelle
peut être mesurée par des senseurs installés
autour de la patinoire. Étant donné la
distance du tir, la rondelle prend un certain
temps à franchir le gardien (les facteurs tels
que le ralentissement dû à la résistance de
l’air peuvent être inclus dans le modèle).
Or, on sait bien qu’il doit s’écouler un laps
de temps entre le moment où le gardien
détermine la trajectoire du tir et l’instant
où il commence à bouger pour faire l’arrêt :
c’est le temps de réaction, soit environ deux
dixièmes de seconde.
Dans l’exemple de la vidéo, le gardien des
Prédateurs de Nashville (Carter Hutton)
n’a pas le temps suffisant pour réagir, et la
rondelle passe par-dessus son épaule.
Ce type de mesure pourra un jour
éclairer les analystes du hockey dans
leurs discussions de jeux-clés. Parfois,
le spectateur conclut qu’un gardien
a été faible sur un tir, que sa mitaine
était trop lente, sans tenir compte des
limites physiologiques comme le temps
de réaction. Incidemment, le fameux «
style positionnel » des gardiens de buts
modernes comme Carey Price est fondé
sur le principe que le temps de réaction
humain est souvent insuffisant pour
arrêter un lancer puissant. Un effort est
donc mis sur une posture optimale et une
position idéale devant le filet pour bloquer
la rondelle. En d’autres mots, le gardien
tente de paraître le « plus gros possible »
devant la rondelle et espère que celle-ci
l’atteigne plutôt que le fond du filet. Le
style papillon, quant à lui, est basé sur
le fait que les jambes ont un temps de
réaction plus lent que les bras. En couvrant
le bas du filet avec ses jambières – parfois
en même temps que le lancer est exécuté –
le gardien cherche à compenser pour cette
vulnérabilité.
Alain Haché est l’auteur de
The Physics of
Hockey
(2002) dont le Discovery Channel
a tiré le documentaire
Scoring with Science
(disponible sur Youtube). Le professeur
Haché va bientôt publier
Slapshot Science.
La physique au service du sport
(Photo gracieuseté de Jamie McLennan,The Sports Network)
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