Primse Décembre 2013 No 13 - page 8

Avec la croissance exponentielle
de la population mondiale, les
changements climatiques et l’intérêt
croissant pour les biocarburants,
l’agriculture et la production
alimentaire sont soumises à des
contraintes importantes. Comme si ce
n’était pas assez, les maladies affectant
les végétaux sont de plus en plus
reconnues comme l’un des facteurs
déterminants en ce qui concerne les
rendements agricoles. Et le problème
n’est pas nouveau ; certains agents
phytopathogènes ont changé le cours
de l’histoire humaine. Au 19
e
siècle,
le mildiou de la pomme de terre a
conduit à la grande famine irlandaise,
et encore aujourd’hui, ce même
organisme est responsable de grandes
pertes agricoles. Malheureusement,
ce cas n’est pas unique, une variété
hautement virulente de rouille noire
du blé (Ug99) est apparue
récemment en Afrique de
l’Est et elle représente
maintenant une menace
majeure à la sécurité
alimentaire mondiale,
et ce n’est qu’un
exemple parmi
beaucoup d’autres.
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Les plantes subissent donc les attaques
constantes de divers micro-organismes,
causant d’importantes pertes tant en
agriculture qu’en foresterie. Pourtant,
la maladie reste l’exception chez les
végétaux, car au cours de l’évolution les
plantes ont appris à se défendre. Bien
qu’elles ne possèdent pas de système
immunitaire adaptatif comme les
vertébrés, les plantes ont tout de même
un système immunitaire inné qui dicte
la mise en place de défenses efficaces
grâce auxquelles elles détectent les
envahisseurs tels que virus, bactéries,
champignons ou insectes.
Des recherches réalisées au cours des
dix dernières années ont révélé que
l’immunité des plantes se compose de
deux lignes de défense. La première
est prise en charge par des récepteurs
protéiques (Pattern Recognition
Receptors) capables de reconnaître
certaines structures moléculaires
présentes chez un large éventail d’espèces
pathogènes (Pathogen-Associated
Molecular Patterns, ou PAMPs).
Ces récepteurs peuvent enclenche
une réponse de défense appelée
« PAMP-Triggered Immunity » qui,
dans la plupart des cas, sera suffisante
pour tenir les agents pathogènes à l’écart.
Afin de supprimer cette réponse de
défense, les agents pathogènes sécrètent
un arsenal de facteurs de virulence
(aussi appelés effecteurs), qui
viennent inactiver soit les récepteurs
décrits précédemment, soit d’autres
composantes de la réponse de défense
agissant en aval de ces récepteurs.
La capacité d’un agent pathogène à
coloniser un hôte donné reflète donc
celle de ses effecteurs à neutraliser le
système immunitaire végétal.
Est-ce que les plantes ont un
système immunitaire ?
Ironiquement, ces mêmes effecteurs
peuvent être reconnus par la deuxième
ligne de défense de la plante, les protéines
de résistance. Cette reconnaissance
déclenche une réponse de défense plus
robuste appelée « Effector-Triggered
Immunity », culminant généralement en
un type de mort cellulaire programmée,
capable d’arrêter la croissance de l’agent
pathogène : la réponse d’hypersensibilité.
L’étude de ces effecteurs est au cœur de
notre compréhension des mécanismes
qui régissent la résistance des plantes
aux maladies. Au cours des dernières
années, l’augmentation fulgurante des
possibilités de séquençage d’ADN à haut
débit a permis l’identification d’effecteurs
potentiels au sein de divers organismes
pathogènes. Dans certains cas, ces
effecteurs ont été utilisés afin de sonder
différents cultivars d’une plante donnée
et ainsi d’identifier de nouveaux gènes de
résistance. En parallèle, plusieurs groupes
ont fait des percées majeures en ce qui
concerne l’identification des protéines
végétales ciblées par ces effecteurs.
Le défi est maintenant d’exploiter ces
cibles et d’en identifier des variantes
qui ne peuvent être inactivées par les
effecteurs. L’objectif ultime n’est pas
de créer des organismes génétiquement
modifiés, mais plutôt d’utiliser nos
connaissances sur les effecteurs, ainsi que
l’extraordinaire diversité naturelle des
plantes, de façon à obtenir une résistance
durable face à ces envahisseurs.
Au Département de biologie de
l’Université de Moncton, le professeur
David L. Joly s’intéresse aux interactions
plantes/micro-organismes. Son
laboratoire contribue à cet effort en
regardant le code génétique de divers
agents pathogènes. La séquence de lettres
du code de l’ADN peut être lue comme
un livre, et diverses techniques modernes
permettent d’interpréter le livre de
chaque agent pathogène, c’est-à-dire son
génome. En déchiffrant ces génomes, il
est possible non seulement d’identifier
rapidement les facteurs de virulence d’un
agent pathogène donné, mais également
d’étudier ces effecteurs afin d’ouvrir la
voie vers de nouvelles pistes susceptibles
de protéger notre approvisionnement
alimentaire futur.
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