Primse Décembre 2013 No 13 - page 3

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Manipuler la lumière avec la technologie des couches minces
Pouvoir manipuler la lumière à
volonté fait partie des nombreuses
possibilités dont dispose la
technologie actuelle. Après le
développement de l’électronique et
de la microélectronique, nous sommes
entrés depuis quelques décennies
dans l’ère de la photonique, c’est-
à-dire une époque moderne où la
lumière sert d’agent au transport de
l’information. Pensons par exemple
aux fibres optiques, développées dans
les années 1970, dans lesquelles la
lumière prend le relais sur l’électricité
pour transporter l’information sur de
grandes distances. La lumière est plus
rapide que l’électricité et plus efficace
pour transporter de petites quantités
d’énergie (l’information) sans générer
trop de pertes sous forme de chaleur.
Mais comment faire pour manipuler
la lumière ? Comment sélectionner les
longueurs d’onde désirées ? Comment
construire des composants optiques
qui pourront faire la différence entre
une onde lumineuse particulière dans
un faisceau lumineux complexe ?
Le groupe de recherche sur les
couches minces et la photonique
(GCMP) de l’Université de Moncton
s’intéresse à cette question. Le groupe
est constitué de plusieurs professeurs
et chercheures et chercheurs
du Département de physique et
d’astronomie et il collabore avec
quelques autres personnes rattachées
à d’autres départements.
Un principe bien connu en physique
stipule qu’une onde lumineuse peut
interagir fortement avec un objet
physique dont la grosseur est de
dimension semblable à la longueur
d’onde de la radiation lumineuse.
Le phénomène de diffraction de la
lumière par une très mince fente par
exemple n’est observable que si la
largeur de la fente n’est pas trop
différente de la longueur d’onde utilisée.
De même, un matériau déposé en
couches minces dont les épaisseurs sont
de quelques centaines de nanomètres (un
nanomètre équivaut à un milliardième de
mètre) pourra interagir avec la lumière
visible. Un matériau déposé en couches
plus minces encore pourra interagir avec
l’ultraviolet puisque la longueur d’onde
de l’ultraviolet est plus courte. C’est
le principe de la diffraction de Bragg
(voir l’illustration ci-dessous) où l’onde
lumineuse dont la longueur d’onde
coïncide avec les dimensions du réseau
ne réussit pas à le traverser au complet
et est donc réfléchie comme le fait un
miroir. Les autres longueurs d’onde
traversent le système sans problème
comme si elles ne « voyaient » pas le
réseau. Ceci est un exemple de la façon
dont on peut sélectionner une longueur
d’onde particulière parmi tant d’autres,
un peu comme on réussit à trouver un
poste de radio en syntonisant la bonne
fréquence d’antenne.
La technologie actuelle permet de
fabriquer des couches minces de
quelques nanomètres d’épaisseur.
Plusieurs méthodes de déposition sont
possibles et le Département de physique
et d’astronomie dispose de nombreux
appareils sophistiqués capables de
fabriquer de telles couches. Par
exemple, la méthode de pulvérisation
magnétron consiste à bombarder une
cible métallique à l’aide d’un nuage
de particules ionisées qu’on peut
accélérer en utilisant une forte
différence de potentiel électrique.
Ce bombardement à grande
vitesse sur la surface de la cible
métallique permet d’extraire,
presque atome par atome, une
petite quantité de matière qui
va se déposer sur un substrat de
verre. Le procédé est quand même
assez rapide et ne requiert pas de
hautes températures.
Le substrat sur lequel est déposée la
couche mince n’a donc pas à subir
d’énormes contraintes thermiques tout
en permettant une très bonne adhésion.
Tout le processus se fait à l’intérieur
d’une chambre à vide très poussé.
Les matériaux utilisés pour fabriquer les
couches minces sont choisis d’après leur
transparence et leur indice de réfraction.
En gros, cet indice donne la vitesse de
la lumière dans le matériau et constitue
une des propriétés optiques les plus
fondamentales. Travailler avec de très
minces couches de matériaux donne un
autre avantage extrêmement important.
Grâce à leur petite dimensionnalité, les
propriétés du matériau sont malléables
àet offrent la possibilité de sélectionner
oi-même l’indice de réfraction désiré. Par
exemple, lors du processus de fabrication
de la couche, la pression utilisée dans
la chambre de déposition influence
directement la densité de la couche dont
dépend l’indice de réfraction. L’avantage
est énorme. On choisit le matériau qui
semble convenir le mieux et on modifie
ses propriétés pour obtenir exactement
ce que l’on veut. La manipulation de la
lumière passe donc par la manipulation
des propriétés optiques des matériaux et
ceci peut se faire grâce à la technologie
des couches minces.
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