Le Prisme - Décembre 2018 No18 - page 3

Chanvre en ville
Indigène d’Asie centrale, le cannabis
(Cannabis sativa)
est connu comme étant
l’une des cultures les plus anciennes avec des archives d’utilisations datant de
plus de 10 000 ans. Depuis, la plante a été propagée dans le monde entier et
cultivée pour ses usages textiles, alimentaires et médicinaux. Au Canada, le
chanvre a été cultivé entre les années 1800 et 1930; et plus récemment depuis
1998. Les années intermédiaires ont été marquées par l’interdiction de sa
culture partout au Canada et aux États-Unis. Cette législation était en grande
partie due à l’association de la culture du chanvre avec son cousin psychoactif,
la marijuana, et à la stigmatisation sociale négative associée à son utilisation.
En effet, la marijuana étant l’une des drogues illicites les plus utilisées au niveau
mondial, cette plante a été pratiquement exclue de la recherche scientifique
au cours du siècle dernier. Même les producteurs autorisés de chanvre
industriel n’ont pu profiter des progrès technologiques et du développement
de ressources génétiques.
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Du côté médical, nous savons maintenant
que les molécules produites par ces
plantes (nommées phytocannabinoïdes)
sont de grands modulateurs de la santé
humaine en raison de leur interaction
avec le système endocannabinoïde.
Celui-ci est un système neuromodulateur
crucial, qui a un impact sur plusieurs
processus physiologiques (dont le
fonctionnement du cerveau) et sur la
santé globale. Les plants de cannabis et
de chanvre produisent également plus
de 200 terpènes (parmi lesquels le
ß
-myrcène, l’
∂-
pinène et le limonène
sont les formes prédominantes), qui
constituent un riche réservoir de
composés candidats pour la découverte
de médicaments. Bien que les terpènes
soient généralement connus pour
leurs arômes, ils ont également plusieurs
applications thérapeutiques,
notamment des propriétés analgésiques,
anti-inflammatoires, anti-allergéniques
et neuroprotectrices. Avec la
multiplication des démonstrations de ses
bénéfices médicaux et la redécouverte
des utilisations variées du chanvre,
l’acceptation par le public est en hausse
et plusieurs gouvernements autorisent
un accès plus large au cannabis, non
seulement au Canada mais également en
Australie, en Israël, en Uruguay et dans
un nombre croissant d’états américains.
Afin de répondre à la demande
grandissante de cannabis ou de produits
dérivés, il est essentiel de lancer des
programmes d’évaluation et de sélection
de variétés de cannabis.
En effet, le futur marché (tant médical
que récréatif ) du cannabis représente une
opportunité économique majeure
et a été identifié comme une opportunité
de croissance dans le cadre du Plan de
croissance économique du Nouveau-
Brunswick. Effectivement, la valeur du
marché de détail du cannabis à usage
récréatif au Canada devrait atteindre 8,7
milliards de dollars par an. Cependant,
la capacité de production actuelle ne
répondra pas à la demande anticipée. Tel
que mentionné plus haut, la production
de cannabis ayant été pendant longtemps
illégale et largement artisanale et
clandestine, le cannabis n’a pas bénéficié
de l’application des biotechnologies
(en particulier la génomique) qui ont
entraîné une augmentation massive
des rendements et de la durabilité dans
plusieurs autres systèmes de production
agricole.
Au Département de biologie de
l’Université de Moncton, trois professeurs
ont décidé d’unir leurs forces afin de
rattraper le temps perdu. Le laboratoire
du professeur Martin Filion s’intéresse
à certaines bactéries du sol capables de
promouvoir la croissance du cannabis,
tout en réduisant l’impact de certaines
maladies affectant sa culture et en
augmentant l’accumulation de certains
composés d’intérêts. L’équipe du
professeur David Joly contribue à cet
effort en déchiffrant le génome du
cannabis et ainsi cherche à identifier
le rôle de certains gènes dans divers
processus d’intérêts agronomiques
(croissance, floraison, résistance
aux maladies, etc.) ou médicinaux
(production de cannabinoïdes ou de
terpènes). Finalement, le laboratoire du
professeur Étienne Hébert Chatelain
cherche à mieux comprendre l’impact
des cannabinoïdes sur le fonctionnement
des cellules du cerveau.
Ensemble, les trois chercheurs ont
entrepris de mettre sur pied le Centre
d’innovation et de recherche sur
le cannabis (CIRC) à l’Université
de Moncton. Le CIRC travaillera
étroitement en collaboration avec
des entreprises privées (par exemple,
Organigram), qui pourront ainsi profiter
de transferts technologiques ainsi que
d’une main d’œuvre spécialisée et
qualifiée.
Photo prise par David Joly.
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