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Le laser de haute puissance :
un outil de recherche pour la mise en forme
et la croissance de nouveaux matériaux
Le mot laser est l’acronyme de
Light Amplification by Stimulated
Emission of Radiation. Les premiers
lasers ont vu le jour au début des
années soixante. Ils sont basés
sur l’association des phénomènes
d’émission stimulée et d’oscillation
qui se produisent quand on place
un milieu luminescent excité dans
un résonateur. On obtient ainsi des
sources de lumière extrêmement
cohérentes, c’est-à-dire que toute
la lumière est émise dans la même
direction et avec une couleur bien
définie. On peut ainsi la concentrer
à l’aide de lentilles sur une tache de
focalisation de l’ordre du micromètre.
Comparez un laser avec une ampoule
incandescente, émettant tous les deux
la même puissance de cent watts.
Dans le premier cas, vous arriverez
facilement à couper de la tôle d’acier
à une vitesse supérieure à n’importe
quelle scie mécanique, ce qui est
évidemment hors de question avec
une ampoule. C’est leur cohérence
élevée, et pas tant leur puissance,
qui donne aux lasers leur capacité
d’usiner la matière.
Le laser ayant été inventé pendant la
guerre froide, on a tout de suite cherché
des applications militaires, ce qui a
naturellement amené les scientifiques
à tenter de repousser leur puissance
maximale. Cette quête les a conduits à
s’intéresser à l’interaction laser-matière,
parce que la résistance des composants
au dommage optique s’avérait souvent
être le facteur limitant. L’étude des
seuils de dommage des composants
optiques a été dès le départ au centre des
préoccupations reliées aux lasers de haute
puissance.
Par la suite, on a porté davantage
attention au fait que l’interaction
laser-matière pouvait aussi être mise à
profit pour l’usinage et la mise en forme
de matériaux. D’abord, les procédés
soustractifs, pour lesquels on enlève de la
matière, tels que la coupe ou la gravure,
ensuite les procédés sans ajout ou retrait
de matière, tels que les recuits de surface
et polissage, puis finalement les procédés
additifs, pour lesquels de la matière est
ajoutée. La déposition par laser pulsé
(DLP) est sans doute une des formes les
plus sophistiquées des procédés
additifs : on vaporise la surface
d’une cible avec un laser émettant
des impulsions brèves et intenses; les
produits d’ablation vont alors se déposer
sur un substrat placé en face de la
cible et alors un revêtement sera peu à
peu produit avec une épaisseur finale
contrôlable avec une précision meilleure
que la distance interatomique et avec
une composition atomique identique à
celle de la cible.
La DLP est largement répandue dans
plusieurs laboratoires universitaires et
industriels, et le Groupe des couches
minces et photonique (GCMP) de
l’Université de Moncton a lui-même son
propre système de DLP, qui se distingue
des autres par le fait que les produits
d’ablation ne sont pas directement
envoyés sur un substrat, mais sont plutôt
transportés vers celui-ci par un gaz
pulsé à la même cadence que le laser au
voisinage de la zone irradiée de la cible.
Les produits d’ablation peuvent alors
interagir et s’organiser pour former, soit
en vol, soit sur le substrat, des structures
chimiques plus variées qu’avec la DLP
ordinaire.
Les propriétés finales du dépôt sont
déterminées en grande partie par la
nature des liens chimiques et non
seulement par la nature des atomes
qui le composent. Le carbone en phase
solide en est un bel exemple puisque le
graphite et le diamant ont des propriétés
complètement différentes malgré le
fait qu’ils ont la même composition
atomique. Le diamant détient plusieurs
records parmi les matériaux en phase
solide à température ambiante; par
exemple sa dureté et sa conductivité
thermique sont inégalées, ce qui le rend
attrayant pour plusieurs applications
telles que les revêtements durs, les
puits de chaleur pour les composants
électroniques de puissance, les fenêtres
optiques, etc.
Or, lorsqu’on fait l’ablation d’une cible
de graphite avec un laser excimer, les
atomes de carbone sont vaporisés puis
se réassemblent pour former des liens
chimiques qui n’ont pas a priori de
relation avec le lien graphitique originel.
Cette absence de mémoire de la structure
chimique de la cible ouvre la perspective
de former des liens rigides et une
structure tétraédrale similaire à celle du
diamant. Par contre, ceux qui voudraient
utiliser la DLP pour la confection de
bijoux risquent d’être déçus : on ne
sait pas pour le moment réaliser des
structures monocristallines de grande
taille. On obtient plutôt des revêtements
amorphes de quelques micromètres
d’épaisseur. De plus, la structure n’est
pas purement tétraédrale et des liens
chimiques propres au graphite ne sont
jamais complètement éliminés, ce qui
contribue à rendre le dépôt partiellement
absorbant dans le domaine visible.
La déposition de revêtements diamantés
ouvre aussi la voie à des applications
industrielles pour lesquelles on cherche
à rehausser les propriétés de surface d’un
matériau. Par exemple, pour les outils
Décembre 2011 No 11
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