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Mardi 27 Mars 2001

Mardi 27 Mars 2001

Le phénomène Cayouche

L'inimitable Cayouche est de retour cette année et présentera son spectacle au Baccus de l’UMCS le jeudi 5 avril à 22h, dans le cadre du dernier party de l’année universitaire avant la période d’examens.

Rares sont les artistes acadiens qui peuvent se vanter d’avoir vendu 30 mille albums. Ce chiffre de ventes faramineux a été bel et bien accompli par celui que l’on appelle Le Vieux Hippy, du nom de son premier album à succès.

Cayouche ne laisse personne indifférent. On l’aime ou on le déteste, c’est selon. Comme tous les artistes controversés (Plume Latraverse ou Rock et Belles Oreilles au Québec sont des exemples frappants), les pires ragots se racontent sur Cayouche. On le dit irrespectueux, malpoli, et vulgaire, sans l’avoir rencontré ou même (eh! Oui!) l’avoir écouté. Certains esprits bien pensants mais qui ne l’ont jamais écouté de leur vie osent même prétendre que ceux et celles qui l’écoutent et qui vont voir ses spectacles n’ont pas de culture (je l’ai entendu moi-même) et que ses admirateurs ont un quotient intellectuel comparable à un radis! Pourtant, il suffit d’écouter ses chansons et d’aller voir ses spectacles pour constater le contraire.

Évidemment, on ne peut se méprendre: les chansons de Cayouche ne sont pas celles de Fernand Gignac! Mais à ceux et celles qui lui reprochent de sacrer sans arrêt dans ses chansons, une écoute attentive de ses disques a permis de constater que Cayouche ne sacre que dans cinq chansons sur un total de 41! Bien entendu, certains mots qui ne sont pas considérés comme des sacres « officiels » peuvent aussi choquer. Un titre de chanson aussi coloré que Tu m’as Flushé dans la Toilette de ton Coeur n’est nulle autre qu’une adaptation d’une pièce que le vénérable Johnny Cash, un monument de la musique country américaine, a composé et qui s’appelait bel et bien Flushed Through the Bathroom of Your Heart! Et si Bruno Pelletier chantait cette chanson, aurait-on la même réaction? De l’autre côté de la médaille, il y a des chansons comme Sanatorium, qui raconte l’histoire touchante d’une personne victime d’une maladie des poumons hospitalisée à l’endroit que des personnes âgées appellent encore le « San » de St-Jean, et Infâme Destin, composée par le regretté Marcel Martel, qui relate la fin tragique d’un jeune homme qui, quelques minutes avant son accident mortel, reniait ouvertement la religion catholique et ses symboles. De plus, on a pu voir et entendre Cayouche à l’émission L’Écuyer à Radio-Canada et, sur le même réseau, on entendait dans un épisode du téléroman Gypsies, qui racontait les péripéties d’employés de manèges, la chanson La Reine du Bingo jouée en arrière-plan, dans une scène où l’action se passait dans un bar quelconque. Un rapide tour d’horizon de la foule présente lors de son spectacle à Caraquet l’été dernier au Festival Acadien a permis de constater que des gens de tous les milieux et de toutes les professions, de 7 à 77 ans, des femmes comme des hommes, étaient présents et connaissaient la majorité des paroles des chansons par coeur. Rien à voir donc avec l’inculte groupe de fans qu’on voudrait attribuer à cet homme.

Cet article n’a pas été écrit dans le but de convertir ceux et celles qui ne peuvent voir Cayouche en peinture. Il faut respecter leur opinion. Cet article est seulement l’oeuvre de quelqu’un qui ne se considère pas comme un sans-culture même s’il connaît les paroles de La Reine du Bingo et qui respecte cet artiste pour ce qu’il a accompli. À ceux et celles qui prétendent que Cayouche est devenu un porte-étendard de la culture acadienne et qui s’offusquent devant cet état de choses, attention! Cayouche lui-même ne s’est jamais prétendu représentant de la culture acadienne dans la francophonie. Pour lui, l’important, c’est d’abord de chanter ses chansons à qui veut bien les entendre, sans retouches, avec la couleur, les mots et la saveur qu’il leur donne. Et plus de 30 mille personnes ont dépensé une quinzaine ou une vingtaine de dollars pour se procurer ses albums, tandis que des milliers d’autres sont allés le voir en spectacle. Toutes des sans-culture? Permettez-moi d’en douter.

Yvon Duguay, pigiste


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